09/09/2018

poème depuis la plage





il fait beau,
on est bien ici,
le fort de Brégançon brûle,
les premières poutres tombent,

on enlève nos chaussures,
en arrivant sur le sable,
on se regarde,
il fait beau,

les flammes dansent et s'élèvent,
sur les restes du toit,
du fort de Brégançon,
_
pendant que le jouet de Brigitte explose,
les chiens débutent à mordre leurs maîtres,
nous nous mouillons le haut du dos,
on dit que c'est le thermomètre du corps,

il fait beau,
on se baigne,
on n'a pas de travail,
séquestré dans ce monde,

les pins prennent le vent,
on enlève nos chaussures avant,

les bateaux prennent l'eau,
et l'équipage en lots,

quais des orfèvres la chaussée penche,
la diction est sourde,
c'est une scène sans texte,
sur les restes du toit,

on rentre,
dans le tas : au boulot,
on sort de l'eau et on s'essuie,

on laisse tomber,
on laisse tomber ce qu'on a,

et la chaussée s’engouffre dans la seine avec le quai,
plus de mille uniformes à l'eau ;
qu'on achève les autres.

on a trop soufflé sur les bougies
au château de Chambord,
les rideaux se répandent comme les cris,
le gâteau est définitivement cuit

il fait beau,
ça doit rire,
faut dire qu'on s'amuse ici,
qu'on fait de beaux poèmes

les pieds dans le sable,
on a retrouvé le président-directeur général,
mort depuis quarante jours

on se déshabille l'un à l'autre,
l’Élisée brûle aussi,
on se prend sur un rocher.

des organes en putréfaction,
décors les nouveaux murs de Chambord,
oui, petits nous construisions des châteaux,
pour le plaisir de les détruire,

et le vent et la chute,
nous sentons venir,

notre inhospitalité toute ouvrière,
froideur historique du travailleur,
en sommes,
tout ce qui pour vous caractérise,
notre manque de caractère.

sur la plage,
on se matte,
les internets sont coupés.

j'ai brisé ton crâne contre l'écran que tu tiens pour main, 
et nous rions.
nous faisons les poches à ceux qui passent,
on se maintien.

on roule un pli,
loin de tout on extrait
l' ivresse de la matière
que l'on transforme.

fusillade au palais bourbon !
on se fait un apéro.
le petit fini sa glace,
retourne un fourgon,

on à perdu nos papiers
on a arrêté de voter

c'est de notre faute,
s'il ne reste plus grand chose
des poutres et des tapis
du porc de Brégançon.

la piscine était infestée
de gardes du corps ne sachant nager,

se débattant les uns des autres;
le poids du calibre fait couler,
des trois pièces gonflés d'air,
puis d'eau,

l'eau rentre dans la montre et dans la bouche,
toute une vie à épargner.

c'est notre comédie,

il fait beau,
on se caresse,
on se lèche,

on compte le nombre de bulles 
qui remontent à la surface,

les restes des poutres feront de bons fusains,

le magasin est ouvert,
prêt de la plage,
on met nos chaussures,

il était fermé,
mais nous l'avons ouvert,

on menace de mort,
on fait de beaux poèmes,

on incite à l'émeute,
des ressources humaines,
préfectures carnages,
des exercices de vacances,

on fini notre assiette,

on cherche
à faire chanter le néant
dans lequel on est pris.

Néant fomenté,
triste chanson d'aujourd'hui,

on foule, on trou,
pelouse, parterres
parvis, places, squares, parcs,
marches, promontoires, toboggans ;
quelques glissements,

on foule à moitié nue,
la connerie des aménagements présents,

un gars casse à la masse,
là bas l'horodateur,
comme pour couvrir,
ou annuler le temps.

les heures peuvent se rallonger,
lors ce que les premières briques partent,

on est sur un rocher,
au milieu de l'eau,

lors ce que les premiers blindés s'envolent,
au bruit du souffle qui les aident,

c'est la panique pour vous,
on a les pieds dans l'eau,
pépère,

on ne s'absente pas longtemps,
on ne revient jamais,

les restes calcinés du fort de B.,
sont transférés au palais de T.

la route se fait,
on a les cheveux gras,
on a peu dormis,

le palais est réquisitionné,
dans la foulée,
les portes sont accrochées aux murs,
on s'expose.

on est bien là,
il fait beau,
on va faire simple.

l'eau coule sous les ponts,
la marée-chaussée restante s'affole,

on remplit le bidon d'huile,
le petit bidon,
dans le réservoir,
on accélère,

il fait beau c'est l'été,
on hiberne,

arrangé de tenir notre petit pied à terre,
à l'autre bout du monde et des doigts,

les journées passent,
on fini ce qu'il reste,
on fini le bout et,
on arrête,

la rentrée n'a pas eu lieu,
on a tous vaqué,

l'été on se chauffe le cul,
on snif le calcin,

on patiente l'empire tomber,
on se reluque,

attirés par l'air libre,
quant tout cloisonne autour,
empêche ici,
étouffe partout où ça échappe,

on est ça,

on écrit,
on conjure,
la rencontre fortuite,
d'un parpaing sur un gradé.

une petite carte pour toi,
sur les prospectives que je mène,

tu sais,
souvent je vois avant,

je t'embrasse,
pépère,




_


bévue d'été sans corrections,
aout 2018 sans protections. 

_
 
Texte re-publié sur le site Lundi Matin :
https://lundi.am/Poeme-depuis-la-plage-Justin-Delareux

07/09/2018

d'une autre façon


te dire ce genre de choses,
rejoindre les rails,
s'effacer dans la nuit,
dans le bois marécageux,
la zone humide,
mettre un pied devant l'autre,
transporter la graine,
le métal et la rouille que l'on traîne,
et de boucles basses rompues,
nous sautons de pneu en pneu,
nous marchons sur l'eau,
d'une autre façon,
il faut courir,
épuiser cette danse,
intériorisant l'en dehors,
se faire discret,
pour éviter les contrôles,
les morts,
avancer contre la marche, s'inverser
inverser l'en dehors de l'en dedans,
te dire ce genre de chose écrasé,
par une nappe algorithmique,
j'efface,
nous repassons la mélodie,
par la rythmique artificielle,
des temps que nous méfions,
traverser les marrais,
fouler les cendres encore chaudes,
ce qu'il reste de ta chambre,
ce qu'il reste du champs,
enjamber le bois brûlé,
après la destruction,
on compte les blessés,
on suture,
débris de route et d'étoffe
s'effacer dans la nuit,
tout autour comme des colons,
des fonctions mobilisées,
la pluie n’éteint pas le feu,
et nous perdons nos mots,
d'abattement,
tout autour comme des néons,
notre rage,
belle et patiente,
s'efface dans la nuit,
prépare, guète, attentive,
d'abattement,
(...)

mai 2018






 

Amorces



137- Lieu vide lieu existant comme forme ou idée du (d’un) lieu parmi – excès à lieu chose forme de temps (suite de-) descente poursuite cheminement du lieu des informations des rédactions lieu défilant défilement du temps dans un non lieu à retranchement à tranchée. Lieu vide diminuant lieu diminuant appeler ça- Lieu ou idée du- (à)


(...) Nos membres tombent et notre dos se courbe. Nous cassons de l’intérieur. Il se demande si il y a quelque chose à faire. Ou se retiens à tout ce qui pend. Nous nous entamons de l’intérieur. Je grappille un peu plus d’espace encore au fond. Je ne suis pas unique. Il y a quelque chose à dire, quelque chose à retenir. Notre départ reporté. Nous débutons encore. Parfois la nuit est terrible nous hurlons de larmes hors du cauchemar de la réalité. Tout est montage. Sédimentation. Un corps, une forme, l’existence matérielle. Ce sont les ronces communes. Alors nous viendrons mettre le feu, répandre le soufre, il faudra laver le sol, ouvrir les portes, faire de la lumière. (...)


14- Le vitriole mort l’image. La nuit ne passe pas.


Nous ne commençons pas à 7H30.



(...) La perception du temps peut coïncider avec l’appréhension des espaces. Il mène une vie de moine, son désengagement est total, dieu semble absent. Elle cherche dans le sol les friches, les lambeaux, elle cherche ce qui est partout, diffus, fragmenté. L’éclipse est l’omission décidée. Il y a le gouffre aux arbres. Le pont en dessous. Ce lieu sans nom. Ce qui nous est offert: le service encore. Des tâches incompréhensibles, l’absurdité partout. Nos propres tares, les roches que nous sommes. Si l’humour est devenu sadique, ou la vengeance. Les peurs guident les coups jusqu’aux choix. Ne rien mentir. Attentif, mon présent ses présents, ne sont qu’une succession de disparitions, la diminution constante des espaces, des corps. (...)


80- Grincement, pincement ( courbe osseuse pincée ), retour sur l’histoire du film précédent.
 ( suite illisible )


Contrôler les cadences. Annuler les cadences.



Nous commençons à 7H32.


(...) Ruiner le silence était une phrase entendue. Elle promène un bout de son temps. Était il possible de s’organiser. On marche contre quelque chose. Loin de la ville difficile de rendre compte du fracas de la ville. Il y a les images. L’arbre rouge. Des ruines fabriquées à l’écart de ruines en cours. D’autres déplacements. On cherche le silence non motorisé. Un accomplissement. Une réalisation. À présent. Il ne reste plus rien que le bruit des pas. Sur les feuilles lentes du temps recomposé. Rien que le cri des cimes. Rien que des départs prévisibles. Des chiens artificiels que l’on dresse fièrement. (...)


96- Déposer : chemin descendant ou ascendant selon position occupée par attente,
 nuits agitées : grises. Nuits déposées.


Nous deux dans la nuit ou dans le jour gestes et postures profanes, nous trompons le temps, elle nu et chaude frissonnante, elle abolie la durée, libère ses huiles. Son moteur est derrière souvenir deux pièces au bord d’une eau au chlore souvenir fumant du tissus mouillé qui révèle les creux.


125 : marche. Marche vers petit chemin descendant. Marche descendante, longer l’eau. Longer l’eau jusqu’au bord. Quitter le bruit artificiel du barrage. Quitter le bruit artificiel du train emporté par le vent. Quitter les routes. Retrouver les bords, lits de feuilles, les couleurs du temps. Être face à l’arbre rouge. Sujet stable, fixé face à l’arbre rouge, aux reflets de l’arbre rouge, à l’eau reflétant l’arbre rouge, l’eau me séparant de l’arbre rouge.


Entendre : le bruit des pas sur les lits de feuilles mortes
( mais non sèches )


(...) C’est la démission qu’il faudrait prendre à bras le corps. La passion serait de péter des systèmes. J’erre. Je m’en vais. Je suis en vie. La poésie est bouchée. Mais il manque l’amour. Et l’amour ce n’est pas forcément la joie. On nous range, mais le rang ne tiens pas. Elle nous rend le sommeil impossible d’un repos. Écrasé en soi. La vie diminuée. On commence par se faire repérer. Puis se répare ensuite. Nous sommes en ligne. Mon recul ma bouteille mon absence ce culot. Partout le libre échange du mépris. On a fabriqué l’écart social, l’école. Il fait des séries d’images, des collections. La fragilité des échanges impossibles, le son à fond, un cortège un corps, bloquer les routes, partager le thé, le centre, la rocade, creuser à la pioche, déblayer, serrer le chien, tenir la crosse, jusqu’à la glotte, parler dans le vide, dans le tube, faire péter, dormir debout, on est dans la merde. Le droit de commencer et de compter, il y a. Le report d’une page manquante, déplacée. (...)


- Avant le bruit de la première sonnerie nous sommes là,
face à la machine, au repos.

- Après le bruit de la seconde sonnerie nous sommes là,
face à la machine, au travail.



Le village est une route. La route passe. La route passe par le village. Le village est traversé par la route. Et des voitures parfois. Rarement des voitures. Rarement des villages. Rarement des passants. La route est longue et traversée par le vent. Le vent longe la route vite.


(...) On est la tête dans l’eau. Buttons. Nous remuons dans le froid. Je passe la porte. Le monde dispose de toi, un peu partout. Tu ne captes pas. Nous sommes hors réseau. Tu te demande le silence d’autrui. Sans mystique, sans gouvernement. Tu n’es pas courant. Nous avons changé de siècle. Tu ne respire plus dehors, tu envoies des messages. Penché, penchant, tombant, cassable. La faim donne froid, notre commune condition. Qui te dit de l’autre. En te remerciant. Notre cœur est enfant. Le trou d’eau déborde en lac dans le champs. On part de là. Un corps ce trou. Le monde est en crue, les pensées débordent. D’ailleurs, je ne suis d’ici. Je vais prévenir le feu que la pluie menace comme l’ennemi. Je vais observer d’où je suis. Je vais attendre. Je vais mourir comme le soleil chaque soir. J’étalerai la terre entre mes doigts. (...)



À 7H30 nous sommes garé.



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Amorces est le nom d'un texte en cours d'écriture débuté en 2017.
ici quelques extraits.


Sur Extrait des nasses


Article écrit par Frédéric Thomas, fin 2016
pour la revue Dissidences
au sujet du livre Extrait des nasses
paru aux éditions Al Dante en 2016



« Ils portent ainsi l’histoire silencieuse de l’humanité. Tout a été effacé. (…) On a tout repris du début. On avance malgré nous ». Ainsi s’ouvre le livre de Justin Delareux. Au fil des pages se précise un état des lieux, parfois teinté d’une vague ironie – « Pourquoi les habitudes des anciens sont devenues les devoirs des nouveaux » (p. 39) – le plus souvent marqué par l’expérience de l’effacement, de la perte et du deuil : « Ils sont enfants et déjà nostalgiques » (p. 40). Écrit depuis « la nasse », mot évoquant à la fois la souricière, le filet et le casier, il s’agit de tester, d’examiner ce qui passe, ce qui fuit, ce qui échappe. Ce qui lui est soutiré et qui ne peut se présenter que sous la double forme de l’extrait ; c’est-à-dire à la fois bribe, aperçu, et enlevé, arraché au piège.

Le titre confirme dès lors les conditions – conditionnements et prérequis – présentes de la narration, de l’écriture. « Notre bagage est plein et il nous faut aujourd’hui tant bien que mal poursuivre dans l’obscurité plate du langage. On se tient. L’écriture. Feu en main » (p. 27). Plus loin, il sera fait retour à ce « on se tient », précisant, prolongeant l’enjeu : « Tenir faire surgir » (p. 37). Tenir alors, et dans un même mouvement, cet « on », ce « faire » et cette écriture, d’où puisse percer une voie (voix) nouvelle.

Les pages délivrent aussi une dénonciation d’un monde sans histoire ni poésie, qui n’est pas sans affinité avec la critique de l’aliénation qu’avait, en son temps, développée l’Internationale situationniste. « Touristes nous visitons notre propre époque comme un musée » (p. 53). Il s’agirait encore et toujours de déjouer, de détourner, de déborder. « Une condition d’homme à rebours qui voulait inventer chaque jour des passions nouvelles, qui chaque jour voudrait en finir avec les mauvais jours qui recommencent. Une brèche qu’il fallait habiter. C’est juste. Mettre fin dès le début » (p. 56).

Ce début à partir duquel il convient de tout reprendre et, dans le même temps, d’arrêter, de précipiter la fin est peut-être avant tout, ici, l’écriture. Examen de la situation présente, Extrait des nasses peut également se lire alors comme l’esquisse d’une méthode. Dans la préface, Jean-Marie Gleize, plutôt que de fragments, préfère parler d’« Une langue déshabituée. À répétition fragmentée » (p. 10). La double référence – dans le texte et la préface – à Tarnac fait signe. Mais à partir de la question de la poésie, de celle qui tient et nous tient dans et contre cette nasse. « Reste quelques propositions sombres et lentes, la tentative d’un langage, un dispositif incendiaire » (p. 43). Tentative, qui se vérifierait dans la pratique de l’écriture, dans la répétition éclatée, au fil des pages, d’une expérimentation du feu ; de la possibilité de mettre le feu au langage (obscure et plat), à l’histoire (effacée) et à « la mécanique du temps », aux retours figés des mêmes débuts prémonitoires et à l’absence. « Écrire serait donc travailler dans l’absence, avec l’absence » (p. 50). L’absence serait ainsi enregistrée par l’écriture, mais aussi réactivée pour en faire un compagnon de route, en dégageant ce qu’elle autorise, fut-ce à rebours. « Il s’agit d’écrire comme une suite de petites fins en soi » (p. 60). Façon de se frayer un chemin, de marier la modestie de la méthode et l’ambition intacte du bouleversement.

___________



EXTRAIT DES NASSES
dans ART PRESS février 2017
critique et lecture par Véronique Bergen.
_
 
JUSTIN DELAREUX OU LA POÉSIE-INTIFADA
par Véronique Bergen.
Explorant l’écriture, les arts plastiques, la musique, Justin Delareux livre avec Extrait des nasses un texte-intifada vertébré par la faim d’un autre monde. Brûlant d’un feu post-situationniste, ce texte-projectile performe ce que son titre annonce : l’extraction hors d’un monde rongé par la domination. Au fil d’une poésie insurgée, ce texte désentrave, déconstruit par un langage-acte ce qui nous emprisonne, lâche des flux de vie arrachés au régime de mort programmée. Si la nasse est un piège dont il faut s’extirper, tout est nasse, le système, le texte, le sujet. Si la nasse est un outil d’aliénation, une technique étatico-policière, elle est aussi une « machine de guerre » (Deleuze) qui se retourne contre ce qui amenuise nos libertés. « Écrivain en état de siège », l’auteur dispose une machine de guerre scripturale qui élit la forme du fragment ou, plus exactement, comme l’écrit Gleize, une « écriture « à fragmentation » ». Dans le maelstrom du texte, Tarnac se lève. Jouer Tarnac contre le tarmac des existences asphyxiées, c’est faire du texte un projectile. Delareux lance des phrases-rivières, retournées à l’état sauvage, des phrases-harets qui, ouvrant des brèches, activent un chant de vie. Parataxes, morcellement syntaxique, clins d’œil à Debord, Extrait des nasses invente un dispositif verbal incendiaire, un manifeste poético-politique de survie qui bêche les mottes de mots comme on retourne une terre. « La vie qui nous est proposée ne nous va pas ». Se chercher un autre temps libéré, c’est écrire pour ce renard « croisé sur la route de Tarnac », attaquer ce qui déboise les pensées et les corps, faire pousser des ronces sur les déserts de béton. Saluons la puissance d’un texte-sécession qui riposte à la mécanique grippée du temps, au spectaculaire intégré par un chant intempestif.

Entretien



Entretien croisé avec Bernard Noël, Florence Pazzottu,
Julien Blaine, Jean-Marie Gleize et Justin Delareux,
par Emmanuèle Jawad 

en deux parties,
ici même :


A-N





Entre 2012 et 2015 j'ai publié de nombreux textes sur le site Armée Noire, désormais à la dérive.
J'ai décidé en 2015 de clôturer mon compte sur ce site et de disparaitre.
J'ai récolté 133 pages et publierais ici même quelques archives.

 

Sillonner.



Je suis homme éclaté. Il me faut freiner pour freiner pour. Calmer. Nous ne pouvons qu'essayer. Même si. Freiner. Se ralentir. Se voir ralentir pour. Pour comprendre le monde. Pour comprendre et voir freiner. Calmer soi au monde pour. Mettre à plat le monde rond. Me recomposer. Je suis éclaté. Je suis cultivé. Occupé. Sillonné. Je me suis fait creuser. Séparer. Il faut freiner pour vivre. Il me faut penser. Évacuer la frénésie du temps hors de moi le temps. Il me faut rassembler mes propres morceaux. Faire de petits tas. Comparer les hauteurs les contenants. Trouver dans chaque tas un sens ou plus. Même rassembler les tas si il faut. Il faut sûrement être tout entier pour écrire. Et écrire pour être tout entier. La pensée passe comme la phrase. L'un dans l'autre. Je pense et cette pensée désorganisée en moi éclate et me fend. Fendu en dix lieux. Tous plus loin. Tous plus incompréhensibles. Tous d'une langue folle et désordonnée. Désapprendre c'est reconnaître ce champ retourné en moi. Ce champ piégé de trous et de fers. Ce champ électrique. Désapprendre c'est reconnaître ce champ cultivé. Logiquement dévasté. Je ne suis pas une saison. Les saisons ne sont pas en mon temps. J'ai chaque mois plusieurs saisons dedans. Suis homme éclaté. Hors ou contre toujours peu. Fragmenté dans le temps. Il faut freiner. Diminuer comme tout passe. Pour être tout entier vivant. Écrire comprendre ça. Comprendre écrire ça. Je me consume aussi. Homme divisé hors de toute attente. Être inattendu que personne ne patiente. Sillonner.

  2015 (extrait)









 

je n'ai


je suis arrivé un peu peiné,
je suis rentré en gêne,
je suis à deux doigts de m'excuser,
je ne sais pas ce que je fais là,
je sais juste que ma voix va devoir sortir,
je suis entré
je me suis assis,
j'ai regardé le publique privé,
je me demande qui attend quoi ou et qui,
je ne sais pas ce que je fais là,
je,
ni pourquoi

je dois passer par là,
bonjour,
tout d’abord bonjour,
de premier abord bonjour,
commençons par nous saluer,

je dis bonjour,
je répète bonjour,
je ne sais pas plus qu'eux,
je n'attend rien devant eux,
je suis là pour lire,
je ne vais pas lire,
je n'ai rien à lire,
je n'ai rien à démontrer,
Je n'ai rien à sacrifier,
Je n'ai rien,

ce que l'on peut lire
on peut le lire,

je n'ai rien à,
je n'ai rien ni,

ce que je porte je l'écris,

je n'ai rien à redire,
je n'ai pas à rejouer,
je n'ai pas,

ici, je
ne suis plus

rôle costume,
celui de l'écrivain qui,
comme le singe grimpe à son arbre
comme le poisson nage,
ou le pneu tourne ou crève,

je n'ai pas de cage,
je me tourne de première nécessité,

de saluer,

je dis bonjour,
(la lecture commence par bonjour)

-êtes vous là, suis-je ici,

assis (les), oui

je vais dire alors que
je n'ai rien préparé, que
je ne suis pas préparé, que
je vais dire alors que
je n'ai rien à lire, que
je vais dire que
je m'excuse, (bonjour)
je n'ai rien à lire,
je vais faire comme si

( comme si les uniformes n'étaient pas que d'assassins )
je vais parler de cette condition éprouvante
de la bête que l'on montre,
je dis qu'il semble que l'on soit tous assis, que
je ne porte pas de costume, que
je suis venu complètement nu, que
je ne suis pas préparé à ça,
je vais parler de mon incapacité à lire devant vous puis
je vais me couper,
je vais couper tout ce qui pourrait s'apparenter à un développement je,

vais tout couper,

vais échouer publiquement,

(ce sera notre lot commun)

je vais essayer de me rendre dans un endroit
inconnu et intérieur,
je serai face à l'inconnu,
je vais dire ce qu'il c'est passé juste avant,
je vais dire le sol que
j'ai foulé pour venir, pour arriver,
je ne vais pas lire ce texte car
je n'ai pas de texte à lire,

(le texte n'est pas préparé)
mais la phrase passe, oui
combien

je n'aurais pas apporté, donc
je ne serais pas préparé à elle,
je ne suis pas préparé à elle en général,
je ne suis pas général,

il y aura de longs silences entre chacune des phrases,
il y aura de longs arrêts pour penser à ce qui vient,
il y aura certainement des individus qui
se lèveront et qui partiront,
ils auront fait le juste choix de partir et de se soulever,

je serai arrivé ici mais
je serai parti aussi soulevé,
je vais évoquer l'idée de partir en cours, l'idée de
je ne vais pas faire figure,
je vais me ridiculiser,
je vais réfuter les attentes possibles et chuter
publiquement probablement,
je ne vais pas endosser la forme figuré du poète
figurant le poète dans sa forme,

qu'il improvise ou qu'il s'apprivoise,
de ne pas faire autre chose que de quitter,

je suis arrivé ici mais ce n'était pas pour lire,
je pourrai cependant venir lire quelque chose, ce
je simple, dire
je pourrais m’asseoir et faire bouger une carcasse
comme ça,

mais

je ne serais pas au plus proche,
je serai probablement déçu d'être venu là,
je serai sûrement insatisfait et très étonné
de ce qui n'a pas eu lieu,
(car rien n'est fait pour qu'il y est lieu)

je dois me quitter

je parlerai des chaises,
je parlerai de l'attention et des voitures qui ne cessent de passer,
(sont elles confortables les voitures qui ne cessent de passer ?)

je n'aurai rien révisé,
j’essaierai d'être juste,
je pourrai essayer d'être au plus prêt de la chose qui me dépasse,
je pourrai mimer cette condition publique privée de fond,
je pourrai m'approfondir des contradictions de la vie rendue,
je ne serais pas vraiment où
je suis ni ce que
je fais,
je serai aussi spectateur comme ce qui me fait
face,
je tâcherai, d'égal à égal,
je en me noyant littéralement dans la honte,
je ne ferai pas d'effort pour ça,
ou dans la boue,
je tomberai comme le temps,
(nous y assisterons )

dans cet espace temps tout ira de mal en pire, et
je n'aurai probablement pas fait semblant,
j'aurai fait perdre de votre temps,
j'aurais fait acte de présence,
je dirai que je suis en grève,
je parlerai de la grève que
je mène puis
je me couperai pour les raisons qui sont celles de la grève,
je ne représenterai rien qu'un présent friable,
je pourrai m'appliquer à rater quelque chose,
je ne sais pas bien pourquoi
je suis arrivé ici,
je suis face à vous, bonjour
je n'ai rien préparé,
je chercherai un moyen,
je chercherai à voix haute le moyen d'y arriver,
je laisserai ma pensée en construction
se défaire directement,
je la laisserai s'échapper,
je viendrai ici pour m'échapper face à vous,
je n'animerai rien,
je commencerai par vous saluer, puis
, déjà
je pourrai essayer de penser à ce qui est en train de se passer
et qui me dépasse complètement,
de ne rien croire,

ce ne sera pas facile,
ni pour vous ni pour moi,

je pourrais ne rien lire, ne rien dire, ne rien mentir,
je pourrai m'en tenir là,
j'évoquerai la possibilité de lire quelque chose, que
je n'aurai pas apporté,
je proposerai de tout repousser, bonjour,
je fais là,
je viendrai ici assis pour constater :

chaise, table, chaises devant, estrade, estrade centrale, micro, chaise, papier, gens assis, bruit, bruit des voitures, bruit du vent, bruit des arbres, chant des arbres contre le vent, bruit des chaises, bruit des voitures, bruit de ma salive intérieure, bruit du temps, goudron, métaux, plastiques, gravier, végétaux, tissus, chaussures, pulls, chemises, maillots, lunettes, casquettes, chapeaux, barbes, coupes, jupes, pantalons, chemisiers, vestes, manteau, parapluies, sacs, casques, roues, toits, pneus, livres, tables, des cris, des gaz, un piétinement, un combat,

je pourrai constater
jusqu'à épuisement du jour,
jusqu'à épuisement de l'encre ou de la voix,
jusqu'à épuisement de vous face à ça,

j'évoquerai l'ennuie, l'attente,
j'évoquerai puis

je couperai court,
je pourrai souffler, éternuer, prendre du recule,
me reculer, me retraiter,
je pourrai très bien ne rien dire et vous regarder,

regarder la gêne que nous partagerions
dans le silence et l'attente,

j'en suis arrivé là,

il n'y aura

pas de spectacle,
pas de pouvoir,
.

_

2014 ( ou 2015 )

des briques


Je roule des petites boules de terre entre mes mains.
Je prend la terre par terre et je la pince fort avec mes doigts

pour la tasser je sert pour tasser la terre
je sers à tasser la terre. Je
tasse la terre.

À pleines mains.
De petites boules comme des balles.
Toute la terre bien serrée contre elle.

Toute la terre entassé entre les mains
devient une petite boule de terre entre nos mains.
La terre est enfouie dans notre main.

Puis nous roulons nos petites boules de terre devant nous
nous rangeons nos petites boules de terre pour les tasser.

Nous tassons de petites boules de terre
dans des étuis de bois.
Nous frappons la terre humide
de nos poings.

Je tasse la terre avec mon poing dans l’étui.
Entre ces petites cales de bois nous tassons de petites boules de terre.

Parfois avec nos main
ou un outil
que l'on tiens
pour taper.

Nous tapons les petites boules de terre avec des outils.
Dans la terre humide.

Puis nous attendons -ou nous faisons des petites boulettes de terre.
Nous attendons que les étuis à terre sèchent.

La terre est rouge sèche ou ocre.
La terre tiens quand elle est sèche.

Elle se tiens droite dans son étuis.
Nous constatons que la terre est rouge sèche et se tiens.

J'enlève alors l'étui de bois : les cales : le cadre.

Nous prenons dans la main un étui de terre sèche lourde et rouge.
Nous prenons avec la force du bras des étuis de terre
des briques.

Nous soulevons des petites boules de terre tassées en brique.
Nous faisons des briques.
Nous nous imbriquons.
_

sans titre
2014

De débrouille



Ensemble qui ne tient. Je perçois des faits sans n’en distinguer aucun clairement. Chef illégitime chef. Tous chefs illégitimes chefs. Où suis-je passé. Où suis-je tombé. Où me suis-je éparpillé. Dans quel état dans quel coin de quel voyage. Un naufrage encore, loin des mers.

Alors qu’il aurait fallu rater mieux. Se louper. J’aurais du m’éviter. Ne pas sous estimer le chaos de la nuit. Un corps dans une nuit hostile. Une nuit intérieure et environnante. Soi comme obstacle. Monde suturé. Corps saturé. Éclats de joie passent aux éclats de chaire.

Que faut il retenir ? Ou reconnaître. Où s’endormir, comment. Pourrissement, des analyses. Les mots qu’il place. Ces endroits en coin. Qui tombe. Tout. Du pauvre au plus pauvre. Prose, ligne archaïque. De situation. Poésie pratique, dans un monde praticable. Le geste est incomplet.

Dans la suite à la fermeture, de la nuit poutre coupe dans la pâte la résine. Dans la nuit aboie, déborde, médite. Autour. Je ne suis pas allé courir en forêt. Je ne suis pas allé courir. Je ne suis pas aller marcher. Je n’ai pas marché. Je n’ai pas fait de sport. Je ne suis pas allé dehors. Je n’ai pas vu le monde.

À louer : perspectives obsolètes. Conte courant et dessein contemporain. Emprunter pour s’enfermer. Un emprunt sur vingt ans. Mise en demeure. Plan / épargne / Prison. Des restes. étude sur les limites habitables. Nous faudrait il un plan, pour mieux réagir à l’état ? Réagissons nous ?

Allongement du vide en soi. Tirer vers. Je n’ai pas fait un tour. Je ne suis pas enfermé. Je ne suis pas dehors. Je ne suis pas allé courir dedans. Je n’ai pas la certitude de courir ou de traîner dedans. Murs. Murs infranchissables du temps. Parois de pierres peintes.

Feuille sèche unique bruit unique défile descend la route plate poussée par le vent. Feuille traverse le vide et l’indécence. Organe sec tombé de l’arbre tourne roulé par le vent et la chute poussée par le temps, feuille morte. Roulement fracasse le silence.

De perte et de vues. Chacun sombre recoin. Le lieu ici. Notre spectacle notre commune et ses vieux chants. Les granges qu’il nous reste les tables communes. Humanité là. Rebuts du monde nouveau nous marginaux de vos lignes. Lignes de front dans les villes. Lignes de bave dans vos pages.

Les nouveaux, suffisamment grands pour sortir de leurs murs, guettent dehors le pignon de l’autre. Ce pourrait être le tapin mais ici, chacun sa porte, son entre, sa misère derrière, chacun a ce qu’il sait. La voiture chère en face sort une fois l’année. Le reste du temps c’est sous un draps, au garage.

Détruisons les. Dans les fait aucun avenir aucun droits du travail, et encore et encore du travail, et encore. Nous murmurons des trajectoires impossibles. Nous ne sommes pas sûr de nous. Nous cherchons les raisons. Le ciel est fragmenté. Il s’agit d’assembler des choses.

Assembler le bois. Percer le bois. Creuser trouer le bois. Préparer le bois. Préparer le bois. Coller le bois. Visser le bois. Le bois coupé. Le bois lambeau. Monter le bois. Cadrer le bois. Aller contre le bois. tireurs de corde de cartes tireurs de plomb artistes de morts.

Quel train. Dans la nuit tombent des casseroles, des poutres, des briques, tombent des machines à laver. Du cinquième étage la poésie opère, fait tomber, se déleste. Dans la nuit tombent des hommes trébuchent dans les murs de la nuit se cognent frôlent s’éraflent puis oublient.

Sommes nous des réacteurs ? Je n’ai pas couru. Je ne suis pas allé travailler. Je ne suis pas allé voter. Je ne suis pas déclaré. Je ne suis pas à la rue. La rue n’est pas à moi. Je ne suis pas allé courir en forêt. Je ne suis pas allé jouer. Je n’ai pas joué. De suffocations rondes.

Nous deux dans la nuit ou dans le jour gestes et postures profanes, nous trompons le temps, elle nu et chaude frissonnante, elle abolie la durée, libère ses huiles. Son moteur est derrière souvenir deux pièces au bord d’une eau au chlore souvenir fumant du tissus mouillé qui révèle les creux.

Se cognant contre des parois probables, frôlant une mort probable dans un monde probable. L’histoire de la chute est inconnue. La chute elle même détachée de toute logique. Nous allons prendre l’air, de l’indicible, dans l’indiscernable. Je me suis amoché. Je ne me suis pas raté.

Relier les places entre elles, faire tomber le poste. Nous nions la négation. Nous complices. Dans le regard. Entraidé. Notre jeunesse n’a pas eu lieu. Notre jeunesse non lieu. Cette enfance retrouvée morte ou burinée. L’ordre nous dit que tout va bien, pour l’ordre,l’ordre impose que tout aille bien, pour l’ordre.

L’heure du sommeil, redoutable, quand les mots viennent, et tout devient clair. N’oublier ni langue, ni dessin, signe et autre traces. Les limites de l’épargne bien manger bien boire bien dormir. L’écriture est une transcription. L’écriture n’est pas la pensée. La pensée est confuse.

Couper. Couper net, court, sec. Éclipser. Obstruer. Passer. Ombrer. Je t’imagine, visage contre visage, peau glissante, feindre une nuque ou l’enrober de ta langue. Ta langue muette et ses coups contre ma langue muette. L’humour est tragique. Et mon visage est un drame.

Notre jeunesse est sans lieu. Nous cherchons un lieu mais ce lieu n’a pas de nom. Terre tourne comme ma tête autour d’elle. Du courant elliptique.

Ni ne complète. Si vie est terminer. Que l’écriture ne facilite. Ni vie ni œuvre. Tout tourne lait et eau dans le vide tournant dans le sens de la terre autour. Ce mouvement lourd opère. Force ou gravité. Gravité du corps autour de la langue. Allongement des jambes sur le dos. Adossement du corps contre le vide.

Cracher la terre imbibée. Cracher la route. La vie rarement. On cherche même l’image. On repousse la fin qu’on sait. Cracher la toux. Les mots présents. Si la fièvre monte c’est sûrement le doute. Il faut sortir. Traverser la route qui traverse le village. Écrire au présent.

Ce corps frêle est à porter, à porté de main, le verre brisé à hauteur de vue, le mur le sang sur les mains les genoux le sang dedans et désormais dehors le sang du visage dans la nuque sur le torse et les jambes sur les doigts, le sang mêlé à celui de la terre. Le sang mêlé à la pluie.

Vie tire dans œuvre. Vie réaliser dans le tire incomplet. Le chant du tire incomplet de la vie. Harmonie mécanique artificielle de l’écriture. Ou des traces sur les murs des mains. Des mains à l’œuvre. Vie non facile. Vie moyen. Corps moyen de vie. Corps non facile de.

Laisse est le nœud le tout le temps de son style trou de plâtre ou de chêne de bois massif fait le tour au fond. Laisse ce qui tient le tout si le tout tire nasse serrée attache. -On y voyait bien mieux maintenant. Les petits personnages. Et leurs trompettes guerrières.

Circules. Des coups. Est un tout, un tournant. Bouclée comme la bouche puis la langue et la glotte. S’endorment en nous les litres d’un fleuve épais. Cycle de vase et d’haleine. Certains au charbon. D’autres en grève. Écumer le temps. Fin de semaine toujours. Piraterie. Clan. Quel mur.

Nous faisons défiler le temps conservé, nous piochons ce qui nous scié, ce qu’il nous manque, à l’incompréhension régnante et souveraine. Où l’emporte la vie, luxe, calme, volupté, nous nous déplaçons, murs. Feuille traverse la route.

Lignes vides d’amour contre toute fonction. Vie présente laissée traversée. Groupes. Sur deux pieds l’histoire notre l’histoire, rouge. Hors société dite. Nous déshabitons. Gravité du sang autour du cœur. Gravité des corps autour des corps. Des montagnes. Nous autres choses humaines aux questions intranquilles. Tout tourne et se remplit embrasse et dessine, noirci.

Tous partagent la même attente, le même gymnase, souvent les mêmes jeux. Parents immigrés ou émigrés, jetez là au travail d’il y a trente ans ou d’aujourd’hui. Usines de remorques, champs, vérins, champs, voitures, chômage, travail à domicile, couper le polystyrène à mettre dans les cartons.

Sphère sans fin cycle bouclé, trous, marrées, torrents, fuites. Elle penche vers moi se dirige. Archaïque, complexité, profondeurs molles et humides. Elle ne recule pas s’avance et écarte elle se disperse dans mes yeux.

Préventif dérisoire vos orientations de lourdes peines. Nous sommes en avance. Nous des uns aux autres formes et forces. Nous ne sommes pas multiple. Nous libérons notre geste. Notre geste doit être libéré. Notre lieu est peut être la place notre lieu est peut être une place, une place à prendre ou à laisser.

Là où nous nous logeons. Le langage disparaît souvent. C’est souvent qu’il faut se familiariser encore avec une langue, chercher sa langue, la perdre tout autant, et reconnaître n’être que le témoin de cette disparition perpétuelle.

Feuille morte écrase le silence de la route muette. Fracasse, froisse, hérisse. Fonction panoptique de l’habitation. Location passagère transitoire, où beaucoup restent, mouroir. Quartier dit. Cours des miracles. Chaque maison dite a vue sur l’autre.

Dans le sens des aiguilles d’une montre tourne le chien. Dans le sens inverse des aiguilles d’une montre tourne le chien. Cet animal contre la montre meurt. Retour au monde. Posé contre un rebord, le monde posé contre un rebord, du mouvement tourné.

Cette jeunesse multiplie les visages. Le lieu de nos figures. Nous nous reflétons dans l’inconfort. Nous nous défaisons du poids des devoirs. Le monde, projection vaste et indécise, couleur muette et indéfinie, changeante, surface tournante. Elle me rend visite tout à demi vêtu.

Laisse est le mot qu’il reste c’est aussi ça le choix libre laisse objet de corps de crocs être de caisse au bout pendant sans image langue pendue des organes en fuites. Laisse est une tige un trait un tire une corde un cercle de cuire devant la glotte. La glotte avale tout. La glotte est une planque. La ville est un village.

Des nuits se noient dans des chiffres. Rythme cessé des mots et du pouls. Mots se resserrent. Où poètes et auteurs se distinguent. Vous même d’ailleurs et moi même. Les maisons s’écroulent de la poésie. Émeute ouverte. Poésie armée.

Le vent vite traverse le village froid. Le vent froid traverse le village par la route à chaque palier de porte c’est le froid, le vent. Le vent glaciale qui balaye la ville et rarement les passants. Car les passants sont rares. Les passants disparue. Où tout passe du vide. Et traverse chacun d’un froid solitaire.

Murs froids route sèche maculée de vide. La route passe et le temps. Le village disparu. Le vide passant. Où les visages se cherchent. Rarement car peu. Se cherchent ou s’évitent. Car rarement. Peu les visages et les êtres. Où l’alcool coule dedans comme sur la plaie.

Astres sordides. Éternels calme hors fracas faux du spectacle de profils. Des langues qui se mêlent et s’étendent s’étalent en publique spectacle mort et nauséeux. Il regarde couler la seine et le sang. Et le sang dans la seine. Nous désahbitons.

Passé la porte on esquive. Contre le froid ivre excentré. On feinte la mort. Nous pallions. De ne pas choisir son costume. Laisser tousser. serrant des os des hommes dits droits tiennent raide et de force d’une main comme une autre laisse et liasse tout tenu par des hommes ou des chiens macabres de bave et de graisse cuire main.

Le nouveau collège est à côté du petit et du grand quartier qui se font face et guerre. Le nouveau collège est à l’image de la cité, carcérale, circulaire, ennuyé. La poésie n’a pas de moyens. Tombent les maisons. La ligne est longue, la ligne fuit, la ligne fume, brûle, ligne longue se balance au long.

La pluie ne tombe pas comme les gaz, cette jeunesse sans âge, à tire tendu. Les conditions objectives réunies plus une suite de verbes d’actions. De gestes. Notre jeunesse à monde, lieu de toutes les mutations, du soulèvement impératif aux libertés conditionnelles.

Visage esseulé, visage cogné, visage éclaté. Éclaté contre la nuit, éclaté contre la durée. Corps titubant corps penchant. Penchant de corps vers le vide. Au vide dedans à annuler au vide autour à oublier. Les dispositifs de divers ordres déshumanisés façonnent nos mouvements.

Noire mémoire. Se frotter au monde disait-il. Non sans accrocs. Se frotter à soi se quitter. Cogné contre le monde intact le monde rigide toujours droit le monde dure réceptacle. Traînés de lave, traînés de boue, traînés dansantes et mêlées.

J’ai vu la lumière verte dans la nuit au loin ce point suspendu dans l’air et dans le noir, lumineux, j’ai respiré l’air, tourné la tête, j’ai vu dans l’obscurité du soir le halo d’une porte éclairé par la lumière d’une pièce une porte ouverte sur la nuit éclairait le sol d’un jaune terne, j’ai vu l’ombre de deux pieds, entendu les onze coups de la cloche, respiré l’air par la bouche, sentir le chaud monter les oreilles, là, je fumais.

Chaque désespoir patiente la cassure voisine. Chacun célèbre la folie par la fenêtre. Ou le tube la télé. Le coup de hache ou la défenestration. Les enfants s’ennuient. Ils se battent. Il frappent fuient les coups. Ils brûlent un champs.

Les visages que l’on cherche. L’absence passante. Où le labeur de la terre est interdit aux fous. Des faces sans âge qui se marrent, marchent. Les allures parisiennes les croque-mitaines garés. Ici la parole à personne. Par où la grande route froide passe.

Tâche ronde recouverte cercle peint. Visage écran. Surface mentale pleine fragmentée. Hauteurs souvent renversées langue chiffrée déchiffrée verrouillée document transmis être entier à charge des murs. Châteaux d’impulsions électriques de signaux, impulsifs de messages impulsifs d’alertes, de signaux de signes, de feux.

Au garage les provisions de patates et de pommes. Le garage précède la cave. La cave lieu secret. On fait des tours au centre, du quartier en demi cercle. On suit la route, en rond. Parfois comme en prison on entend hurler autour. On espère que ça n’ira pas trop loin chez nous.

Elle se dégrafe se détache de tout laisse par ses yeux quelques promesses de bonheur avec sa main durcie mon tronc. Aspérités, vents, déflagrations.Pour écrire je témoigne des accidents du corps contre le sol. La nuit j’ai disparu. Je me suis disparu dans une suite de rebonds violents.

Les mots précèdent parfois les gestes, mêmes involontaires. Il nous faudrait un peu de calme. Et pourtant même le calme n’arrive pas à bout de nous. Nous nous détruisons. Notre spontanéité est prémédité. Le chant terminé. Vie est ou n’est pas le chant. Chant numéro. Chant du tire.

Il n’y a pas de victoire, toujours naissant, nous sommes débutant sans fin, et tout tourne. Nous prenons le soleil et le maquis. Tout ce qu’il nous reste de débrouille. Le vent transporte les rires et les cris, les explosions, faire le tour de la terre.

Des enfants que l’on range, bien, dans de petits placards. Des adultes que l’on range, bien, dans de petits placards. Né déjà, d’un devenir prisonnier. Loin d’être loin.

Il a fallu me rassembler. Freiner la dispersion. Chercher dans la veille obscure les éléments de l’enquête. Les éléments inexistants de l’enquête. Cette absence de lieux et de verbes d’actions ne sera jamais autre chose que l’absence d’un corps dans le temps battent contre l’espace toujours restreint.

Ronflement de l’eau, ronflement des roues, des routes, des ponts, des moteurs et bobines. Nous tirons dans les trous nous retenons le souffle, pour que la résine monte. Puis se colle glisse ou graisse, des nœuds d’organes des capillaires. Des paillassons. Chaque maison a sa porte, son pignon.

Cycle. Tout tourne autour de nous, nous nous tournons autour de. Boucles. Tranchées. Présent brut. Pour ne pas en rajouter. Où pour se planter. comment tu fais ton compte – comment tu changes d’avis – comment tu traînes – comment tu oublies – comment tu te fais petit – alors que tu es grand – comment tu commentes – comment tu surgis - comment tu t’entasses – comment tu te tiens – comment tu boudes – comment tu te caches – comment tu te vois – comment tu t’évites – comment tu attends – comment tu traces tes lignes – comment tu t’alignes – comment tu as faim – comment ça se fait – comment tu répètes – comment tu demandes – comment tu t’angoisses – comment tu t’enfermes – comment tu respires – comment tu t’éprends – comment tu regardes – comment tu t’éloignes – comment du bondis – comment tu insistes – comment tu ramasses – comment tu te freines – comment tu te dis – comment tu tournes – comment tu marches – comment tu suintes – comment tu vois – comment tu te plies – comment tu oublis – comment tu corresponds – comment tu te demandes – comment tu fais – comment tu fais pour éviter – comment tu poursuis – comment tu patientes – comment tu pourris.

Tout était déjà passé, et le siècle et la disparition des siècles, nous arrivons ensuite, après l’art, après le travail, après la communauté, nous sommes vide, vidés de certitudes, après nous, nous nous ramassons, d’un nous hypothétique et fantasmé, nous sommes des citations.

Ce lieu existe. Ce lieu n’existe pas. au pied frappant ces choses bipèdes reluisent de vers de lombrics de plastiques de latex de métaux de sang séché des hommes dits droits. Sa peau. Blanchir contre le vent pores solides crispés du gel. Tousser, éructer chercher l’air.


Une cité de campagne, quartier, demi quartier, murs contre murs. Cloisons faibles. Lotissement. Hlm. Cité rond point. Quartier fini. Quartier rebut. Périphérie proche. Oubliez les estomac des villes. Préférez ses vaisseaux pour atteindre le cœur.
septembre 2016
La première partie de ce texte a été publiée sur Remue.net
https://remue.net/spip.php?article8999